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Une cascade de caoutchouc
Espace Allende – Collection d’art moderne et contemporain de l’ULB
Renée Rohr, Rubber Falls, s.d., 63 x 61 x 5 cm
Cette œuvre est actuellement montrée au sein de l’exposition Imagine Cultures [1], dans un module mettant en avant le Kufferanium, nom donné aux premières expositions d’art contemporain ayant pris place sur le campus du Solbosch. Le Kufferanium a exposé au début des années 1970 de grands noms de l’art belge, comme Serge Vandercam, Pierre Alechinsky et Marcel Broodthaers.
« Quand il est question de sculpture, il est logique en premier lieu de parler de matériaux : marbre, pierre, bois, puis de volumes, de lignes, de pleins et de creux, d'incidence de la lumière et de sujets : bustes, signe, groupe... Depuis quelques décennies, des artistes tels que Calder ont introduit non seulement la tension et l'illusion du mouvement dans leurs œuvres, mais la mobilité même ainsi que les jeux de couleurs obtenus par la vibration de lamelles métalliques suspendues.
Renée Rohr a commencé par faire du bronze, du marbre, de l'acier corten et a appris de son maître Jacques Moeschal la vertu de la simplicité dans la géométrie. […] Au lieu d'insister sur la massivité et la solidité, elle a exploité la légèreté et la transparence de diverses façons. Les cubes en acier qu'elle produit sont non seulement en creux : leurs flancs sont percés d'ouvertures au tracé rigoureux, savamment disposées pour permettre au regard de pénétrer dans le volume et même de passer au travers ; on assiste au triomphe de la vision virtuelle, intensifiée par le fait qu'on peut évidemment tourner autour de ses œuvres et donc changer la perception de la luminosité qui les habite... En plaçant côte à côte plusieurs de ces structures de géométrie légèrement variables et entaillées, percées différemment, on pourrait croire qu'elle a inventé un vocabulaire ou un alphabet nouveau, ou encore qu'il faut lire musicalement ces formes qui se font écho. Avec ces séries de variations sur des volumes de base, elle fait des gammes à la fois compactes et aériennes.
Elle a ajouté un matériau jusqu'alors inédit dans le domaine de la sculpture : le caoutchouc, cette substance au caractère industriel par définition. Dans d'épaisses feuilles de cette matière, à la fois résistante et pliable ou extensible, elle découpe des lanières, des rondelles, des segments qu'elle peut soit suspendre dans un cadre en métal, tel un rideau mobile et malléable, soit laisser tomber en cascade d'un cercle rigide accroché au plafond. Elle peut ainsi créer l'illusion de la concrétisation des végétaux qui s'étalent au sol ou se répandent comme les jets d'une fontaine ; elle les noue, varie les découpes, invente une curieuse et paradoxale dentelle qui combine fermeté et fluidité. Elle les intègre dans une structure en acier, provoquant le mariage de la rigidité avec la souplesse. Elle allie la stabilité du métal à la flexibilité du caoutchouc.
Les œuvres de Renée Rohr […] sont, selon les matières qu'elle emploie, racines, lianes, rideau végétal ou volumes équarris (plus rarement arrondis), crénelés ou percés de meurtrières plutôt accueillantes. Bien qu'éprise de géométrie et d'une certaine rigueur, Rohr insuffle à ses créations un esprit lyrique, un aspect ludique et surtout une connivence avec nos sens de la vue, du toucher et même de l'ouïe, si le vent veut bien souffler dans et à travers ses œuvres et s'amuser à provoquer des bruissements... », écrit Wim Toebosch en 2002 [2].
[1] À découvrir jusqu’au 12/12/2022 à l’Espace Allende (bâtiment F1), campus du Solbosch.
[2] W. Toebosch, Rubber Song. Renée Rohr, catalogue l'exposition éponyme, Musée d'art contemporain de l’ULB, février-mars 2002.