Musée d’anatomie et embryologie Louis Deroubaix & Musée des plantes médicinales et de la pharmacie

Le musée d'anatomie et d'embryologie Louis Deroubaix contient une série de spécimens affectés de malformations congénitales graves. La plupart sont humains, mais il s’y trouve un exceptionnel spécimen animal. Il s’agit d’un agneau strophocéphale, dont la provenance est inconnue. 
La strophocéphalie est une forme d’otocéphalie. Cette dernière entité malformative associe une cyclopie (œil central unique) ou une synophtalmie (yeux fusionnés ou très rapprochés, comme c’est le cas ici) à un proboscis (nez ou museau situé au-dessus des yeux et formant une trompe) ou, à tout le moins, un museau situé au-dessus des yeux) et à une bouche absente, remplacée par des oreilles rapprochées et antérieures. Il s’agit d’un trouble précoce du développement cérébral faisant partie de la catégorie large des holoprosencéphalies et il est courant d’y trouver une hémisphère cérébral unique en lieu et place des deux hémisphères. L’anomalie est létale, même si d’anciens dessins représentent des spécimens prétendument viables. 
Panneau présentant le mouton stropocéphale
On trouve ici le panneau explicatif exposé au Musée d’anatomie et embryologie Louis Deroubaix. Le spécimen, présent de longue date au musée, a fait l’objet d’un examen tomodensitométrique (scanner) permettant d’en générer des coupes, des reconstructions 3D et même une impression 3D. 

reconstitution 3D
Cette illustration montre une reconstruction 3D de l’extrémité céphalique du spécimen. On aperçoit bien la cavité orbitaire unique contenant les yeux très rapprochés (flèche).

Cette malformation est classiquement liée à des mutations des gènes Shh (sonic hedgehog) et Otx2. Toutefois, elle peut survenir en cas d’exposition à certaines substances tératogènes. Lorsqu’elle survient chez des animaux brouteurs, comme les moutons et les chèvres, elle peut être liée à l’ingestion d’une plante, le vératre de Californie (Veratrum californicum) (ou son équivalent européen, le vératre blanc – Veratrum album), qui contient plusieurs alcaloïdes toxiques dans toutes les parties de la plante, dont l’alcaloïde « cyclopamine » (pour « cyclope »), connue pour inhiber l’expression du gène Shh.
Le vératre blanc pousse à partir de 800 m d’altitude dans les régions montagneuses. Des cas de toxicité ont été reportés chez l’homme après ingestion de cette plante : en effet, elle est parfois confondue avec les parties souterraines de la gentiane jaune (Gentiana lutea L.), laquelle est recherchée et consommées sous forme de vins apéritifs. Ces plantes partagent les mêmes habitat et altitude et, à l’état jeune et non fleuri, le vératre peut être confondu avec la gentiane jaune, bien que les feuilles de celle-ci soient opposées et celles du vératre alternes [1].

Stéphane Louryan (Musée d’anatomie et embryologie Louis Deroubaix)
&
Caroline Stévigny (Musée des plantes médicinales et de la pharmacie)

Bibliographie
[1] Czerwiec, A., N. Paret, J. Guitton & S. Cohen, « Intoxication par vératre : description d’un cas grave et identification des alcaloïdes contenus dans la plante ». Toxicologie analytique et clinique, 35(4), 2024, p. 355-361.

 

Mis à jour le 27 juin 2025