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Le févier de la Caspienne du Jardin Massart

Jardin botanique Jean Massart

Gleditsia Épines du Gleditsia Fleur du Gleditsia
Photos : © Priscille Cazin - woodwideweb.be 

Plus d'infos et galerie photos :
https://www.woodwideweb.be/fr/atlas/197.html 
 

Si vous vous baladez au jardin botanique Jean Massart, vous ne pouvez manquer le « févier du Caucase », tant il occupe une place centrale dans le paysage. C’est l’un des arbres emblématiques du jardin. Ce févier appartient à une espèce très peu commune à Bruxelles. Il est l’unique individu inscrit à l’Inventaire du Patrimoine naturel de la Région bruxelloise. Il a sans doute été planté peu après la création du jardin en 1922.
Isolé au cœur du jardin, ce spécimen n’a pas eu besoin de s’élever très haut à la conquête de la lumière. Il a pu s’épanouir tout en largeur. Ses branches principales (charpentières) s’étalent presque à l’horizontale, si bien que sa couronne en parasol passe allègrement au-dessus de l’allée principale.
Remarquez les grandes épines recouvrant le tronc et les branches de ce févier. Elles protègent l’arbre d’une éventuelle prédation par les grands herbivores. Ces épines sont parmi les plus grandes du règne végétal !
Une autre espèce de févier, Gleditsia triacanthos, très semblable au févier de la Caspienne, est assez souvent plantée comme arbre d’alignement à Bruxelles.

Au centre d’un spectacle printanier
Vers la fin du printemps, le févier du Caucase est en pleine floraison. Autant l’arbre impressionne par sa couronne imposante, autant les fleurs surprennent par leur discrétion. Elles sont groupées en grappes verdâtres. Fortement mellifères, elles attirent une multitude d’insectes à plusieurs kilomètres à la ronde.
Si, à cette période, vous venez rendre visite au févier, tendez donc le nez et ouvrez les yeux. Vous sentirez le parfum sucré de son nectar et serez happés dans un tourbillon d’insectes bourdonnants.

Un arbre qui résiste
Il y a vingt millions d’années, les féviers formaient un grand ensemble d’espèces réparties sur tout le continent eurasien. Quatorze espèces de féviers sont parvenues à s’adapter aux grands changements climatiques de la planète. Elles sont réparties dans différentes régions du globe, mais aucune n’est indigène en Europe. Le févier du Caucase fait partie de ces espèces qui ont traversé les âges. Il réside en Transcaucasie1, dans ce qu’on appelle la « forêt Hyrcanienne », une grande forêt située au sud de la mer Caspienne. C’est une forêt qui abrite de nombreuses espèces d’arbres qui existaient jadis en Europe, mais qui ont migré, poussés par les glaciations.
Leur refuge, la forêt Hyrcanienne, est fortement abîmé par les activités humaines. Et le févier a beau être très piquant, il n’est pas armé contre la destruction de son environnement.
Notre févier bruxellois, lui, choyé par les jardiniers, étudié par les scientifiques, semble avoir un meilleur avenir. Loin de sa forêt d’origine, il a poussé dans un environnement protégé. Alors qu’il préfère les climats relativement chauds, il a réussi à s’acclimater au Jardin Massart. Cependant, les abeilles ont beau le visiter abondamment, cet exemplaire n’a jamais produit de fruits. Il est possible que la plante doive être pollinisée obligatoirement par le pollen d’un autre individu. Les féviers du Caucase les plus proches se trouvent au jardin botanique de Meise, à l’opposé de Bruxelles, au nord de la capitale. Ils sont beaucoup trop éloignés pour qu’un pollinisateur puisse en apporter le pollen jusqu’au Jardin Massart. Une autre hypothèse serait que l’individu planté au Jardin Massart ne produise que des fleurs sans pistil fonctionnel, ce qui peut arriver chez le genre Gleditsia.

Un espoir dans la recherche
Le févier du Caucase fait l’objet de recherches visant à découvrir des molécules utiles en médecine. Les caspicaosides sont des molécules provenant de notre arbre. Elles sont fort étudiées actuellement car elles semblent capables de combattre certaines tumeurs cancéreuses humaines. Au-delà de cet intérêt pharmacologique, le févier du Caucase est un témoin d’une flore ancienne, aujourd’hui réfugiée dans les forêts hyrcaniennes. Il mérite donc d’être conservé.


1. Transcaucasie : région bordant la mer Caspienne, allant du sud de l’Azerbaïdjan au nord de l’Iran.

Laurent Anton
Étudiant en 3° année Bachelor en Biologie à l’Université Libre de Bruxelles

Ce portrait a été écrit par Anton Laurent, guidé par Pierre Meerts et Priscille Cazin, dans le cadre d’une collaboration entre le Jardin Massart et Wood Wide Web.

Mis à jour le 19 mai 2020