Archives & Réserve précieuse

La lanterne optique

La lanterne magique, appelée aussi lanterne optique ou lanterne de projection, est un appareil mécanique polyvalent : instrument de distraction, de propagande, d’éducation et de recherche. Elle est en quelque sorte l’ancêtre du beamer (projecteur numérique).
Son utilisation est simple : il faut une plaque de verre sur laquelle une illustration est peinte à l’encre, parfois copiée d’un livre directement sur le verre, ou photographiée sur une plaque sensible. Cette plaque de verre est placée devant une source lumineuse, l’image se trouve ainsi projetée sur un écran, agrandie plusieurs fois.
La commercialisation d’un nouveau procédé – la plaque « sèche » de gélatine – vers 1880 permet aux chercheurs et enseignants de prendre des instantanés eux-mêmes. Ils les faisaient développer par un photographe professionnel et les utilisaient pour leurs cours et « conférences illustrées », comme on le ferait avec un PowerPoint.
Certains chercheurs du parc Léopold s’en servaient pour présenter leurs travaux scientifiques ; les collections « Léo Errera », « Jean Massart » et « Émile Waxweiler » conservées aux Archives de l’ULB en témoignent. Pour d’autres professeurs, ce procédé complétait l’éventail des instruments didactiques, telle l’étude individuelle de l’étudiant au microscope. La « plus-value » de la lanterne : elle permettait de diriger le regard, de s’assurer que chaque étudiant voyait le même détail. Avec la lanterne, la Cité des Sciences disposait d’un appareil moderne et efficace aux alentours de 1900. Il faut encore déterminer qui a introduit l’usage de la lanterne au parc Léopold et quand, quels étaient les professeurs qui s’en servaient et dans quelle intention.

Les collections de l’ULB, notamment la collection Massart
Actuellement, un inventaire des collections de plaques de verre est en cours. Il s’agit d’une analyse en vue d’une numérisation. Un très grand nombre de positifs et négatifs sont poussiéreux, voire très sales, en raison des conditions dans lesquelles ils ont été stockés jusqu’à ce que le service des Archives et Réserve précieuse les récupèrent en 2009 et 2013 (voir Lettre d’information du Réseau des Musées de l’ULB, 6, 2014, p. 8).
En ce qui concerne la collection Massart, les séries d’images à projeter sont souvent dans le désordre et partiellement incomplètes, car les derniers utilisateurs qui s’en sont servis pour plusieurs conférences ont oublié de les replacer correctement. Idem pour les négatifs, qui peuvent contenir un mélange de prises de vues biologiques et familiales. Leur numérisation permettra de reconnaître les personnes et, probablement, de les identifier.
La petite équipe de chercheurs du projet de recherche « B-magic. The magic lantern and its cultural impact as visual mass medium in Belgium (1830-1940) » (« Excellence of Science (EOS) Call 2017 », n° d’application 30802346) qui a entrepris l’inventaire, généreusement soutenue par les archivistes sur place, reçoit par ailleurs le support financier de l’ULB qui, avec les moyens du Fonds d’Encouragement à la Recherche (FER 2019), aidera à financer une bonne partie du nettoyage des plaques et de la numérisation des images. Pour le moment, il est encore impossible de connaître le nombre exact de positif et négatifs sur plaques de verre. Mais nous savons déjà qu’une grande partie a été commandée ou fabriquée par Charles Bommer, qui enseigne à l’ULB entre 1895 et 1934, ce qui demandera d’en constituer un fonds à part.

Une fois les collections numérisées, il sera possible d’analyser les images afin, d’une part, de dater le matériel et, de l’autre, de déterminer le contenu des photographies. Grâce aux documents préservés aux Archives, l’identification sera facile pour une partie d’entre elles, dont les prises de vue de l’excursion dans les montagnes du Ruwenzori. Pour le reste, une analyse approfondie des détails visualisés (vêtements, voitures, paysages, bâtiments et rues, etc.) permettra peut-être la datation, de déterminer le sujet de recherche et qui sont les créateurs-utilisateurs des plaques à la Cité des Sciences au parc Léopold, voire au Jardin botanique Jean Massart.
Dès que les collections seront virtuellement disponibles, le travail historique pourra commencer. Pour le team de « B-Magic », la recherche se concentrera sur les plaques de projection : par qui la lanterne de projection est-elle arrivée à l’ULB et quand ? Quels étaient les modèles d’enseignement par l’image que les précurseurs ont suivis – ceux en vigueur en Allemagne (« Anschauungsunterricht »), en Angleterre, ou encore en France ? – Avec qui étaient-ils en contact, qui les a convaincus d’utiliser des plaques de verre pour les cours ? Est-il justifié d’appeler les scientifiques-enseignants de l’ULB des « pionniers » (belges) des « projections lumineuses » universitaires ? Etc.
Une histoire à suivre…

Sabine Lenk
Chargée de recherche
Projet de recherche EOS "B-magic" www.b-magic.eu
ULB | CiASp
Université d'Anvers | Visual Poetics

La lanterne magique est présentée jusqu’au 20 décembre prochain à l’Espace Allende, dans le cadre de l’exposition Les 100 ans d'un Nobel, Jules Bordet, un pastorien à l'ULB (voir https://actus.ulb.be/fr/agenda/agenda-culturel/les-100-ans-d-un-nobel-jules-bordet-un-pastorien-a-l-ulb).

Mis à jour le 14 décembre 2019