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BBC computer modèle B+
Collection informatique
Le BBC computer modèle B+
L’intérieur du BBC computer modèle B+
Le processeur 6502 du BBC computer modèle B+. Il s’agit en fait d’un 6512 produit par la firme Rockwell, sous licence de MOS. Il remplace exactement le 6502
L’objet du mois est un micro-ordinateur personnel conçu et fabriqué par la firme anglaise (Cambridge) Acorn Computers Limited dans les années 1980. Il a été complètement rénové récemment et est en état de fonctionnement. Comme nous allons le voir, la gamme d’ordinateurs auquel cette petite machine appartient a eu une influence considérable (quoique fort méconnue) sur l’informatique telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Mais avant d’évoquer l’histoire propre de cet ordinateur, commençons par brosser un panorama plus large des débuts de l’informatique personnelle. Les premiers ordinateurs au sens moderne du terme sont apparus dans la foulé de la Seconde Guerre mondiale. Ces premières machines étaient des prototypes uniques, extrêmement encombrants et consommateurs d’énergie. Les premières machines de série commercialisées par des firmes comme IBM étaient, dans les années cinquante et soixante, toujours réservées à des usages très particuliers dans les grandes entreprises et universités (comptabilité, calcul scientifique, etc.).
Mais l’invention du transistor en 1947 au Bell Labs (USA), puis du circuit intégré en 1958 par Jack Kilby chez Texas Instruments, finira par révolutionner l’informatique à la fin des années septante. C’est en effet l’année 1977 qui a été retenue par l’histoire comme celle de l’introduction sur le marché des trois premiers micro-ordinateurs personnels ayant connu un succès commercial de masse : le Commodore PET, le TRS-80 de Tandy RadioShack et l’Apple II. Chacun de ces ordinateurs donnera naissance à une gamme complète de modèles qui se sont vendus à des millions d’exemplaires tout au long des années quatre-vingt (voire plus tard).
On peut se demander pourquoi ces trois ordinateurs sont apparus sur le marché la même année ? La raison principale provient de la disponibilité des premiers microprocesseurs [1] à bon marché. En l’occurrence, si le TRS-80 est basé sur le microprocesseur Z80 (développé par la firme américaine Zilog en 1975), tant l’Apple II que le Commodore PET utilisent le processeur 6502, développé, lui aussi en 1975, par la firme américaine MOS Technology. Ce processeur aura un succès fulgurant et servira de base à une kyrielle d’ordinateurs et de consoles de jeu, comme le Commodore VIC-20, le Commodore 64, la première console de jeu de salon Nintendo (NES), les ordinateurs personnels Atari, les fameux Tamagotchis qui ont connu tant de succès à la fin des années nonante et… la gamme d’ordinateurs « BBC Computers » dont il est question ici !
Le 6502 est un processeur très rudimentaire par rapport à ce dont nous disposons aujourd’hui ! Par exemple, les instructions dont on peut se servir pour le programmer ne manipulent qu’un seul octet (8 bits, soit 8 chiffres binaires 0 ou 1) de données à la fois, contrairement à nos processeurs modernes qui manipulent des données sur 64 bits. Cela représente une différence importante : à l’aide de 8 bits, on ne peut représenter que les valeurs de 0 à 255 (si on souhaite manipuler des nombres entiers), tandis que 64 bits permettent de manipuler des nombres excédant le milliard de milliard ! Le 6502 exécute aussi les instructions à une cadence qui est mille fois plus lente que les processeurs actuels.
Malgré ces caractéristiques très frustres, le 6502 a permis le développement de l’informatique personnelle, ce qui a encouragé des générations d’enthousiastes à apprendre la programmation. Au début des années quatre-vingt, le gouvernement britannique prend largement conscience de ce phénomène et demande à la British Broadcasting Corporation (BBC) de lancer le Computer literacy project. La BBC conçoit alors une série d’émissions télévisées, appelées The Computer Programme, pour initier le grand public à l’informatique et décide également de confier à la firme cambridgienne Acorn Computers le développement d’un ordinateur personnel, sous la direction de Steve Furber [2] et Sophie Wilson [3]. Celui-ci pourrait être vendu au grand public afin que les téléspectateurs puissent expérimenter chez eux les principes exposés durant les émissions. Ce contrat entre la BBC et Acorn donnera naissance au premier BBC Computer (surnommé « Beeb »), le modèle A, en 1981. Notre collection possède un modèle B+64, qui est une évolution de ce modèle de base : il possède notamment plus de mémoire vive (64 kilooctets contre 16 dans le modèle de base). Les dix émissions du Computer Programme furent un grand succès durant l’année 1982 et dès lors suivies par d’autres : Making the most out of the micro (1983) et Micro live (1983 à 1987).
Les BBC computers ont été remarqués pour leurs grandes qualités et leur flexibilité, qui en faisaient, pour l’époque, la machine idéale pour expérimenter et découvrir l’informatique. Ils se présentent, comme les ordinateurs de leur temps, comme des espèces de « gros claviers » qui contiennent tous les composants de l’ordinateur et se branchent à un écran de télévision en guise de moniteur. Ils pouvaient utiliser des cassettes audios ou des disquettes (à l’aide d’un lecteur externe) pour enregistrer et lire des données et des programmes. Outre la connexion à la télévision, ils possédaient plusieurs « sorties » pour afficher du texte ou des graphiques, qui se voulaient de haute qualité afin de permettre la diffusion à la télévision. Ils étaient programmables à l’aide du langage BASIC (comme presque tous les micro-ordinateurs de l’époque), mais pouvaient facilement être modifiés [4] pour en utiliser d’autres, comme le Pascal, par exemple, autre langage très populaire. Ils étaient même fournis avec l’équipement nécessaire pour réaliser un petit réseau et partager des informations ainsi qu’un système propre appelé The Tube, qui permettaient de les améliorer en ajoutant un second microprocesseur ! Enfin, plusieurs revues étaient consacrées spécifiquement à ces machines, comme A&B Computing ou Practical Computing (la collection informatique en possède plusieurs exemplaires), etc. Les lecteurs intrigués pourront visiter le site web http://www.bbcmicro.co.uk/, qui permet de jouer en ligne à une série de jeux vidéo comme s’ils utilisaient un BBC Computer.
Les BBC Computers ont été largement diffusés dans les écoles du Royaume-Uni à des fins d’enseignement et on estime que jusqu’à 80 % de ces écoles ont possédé un ou plusieurs de ces ordinateurs. Le modèle master [5] (lancé en 1986) a d’ailleurs été utilisé pour réaliser le BBC Domesday project, qui consistait à cartographier l’intégralité du Royaume-Uni dans ses moindres détails, avec une série de photos des lieux cartographiés. Ces photos et descriptions étaient réalisées par les élèves des écoles et l’ensemble des données tenait sur une série de Laser Discs [6] qu’on pouvait lire à l’aide d’un BBC master. Une sorte de « Google Maps » avant l’heure [7] !
Mais l’histoire des BBC Computers ne s’arrête pas là ! En 1987, Acorn Computers introduit une nouvelle série d’ordinateurs, appelée Archimedes. Pour ces machines, il n’est plus question d’utiliser le vénérable processeur 6502, mais bien une toute nouvelle gamme, développée par Acorn : les processeurs ARM (Acorn RISC [8] Machine). Ces ordinateurs offraient des nouvelles possibilités plus en phase avec leur temps, comme une interface utilisateur graphique qu’on manipule à l’aide d’une souris…
Si la firme Acorn Computers a disparu en 2015, une partie des technologies qu’elle a développées subsiste, avec une influence majeure sur l’informatique de notre temps. En effet, il y a fort à parier que vous ayez un processeur ARM dans votre téléphone mobile et ces processeurs font leur retour dans les ordinateurs personnels : le processeur M1 qui équipe les derniers ordinateurs Apple Macintosh est en effet un processeur ARM ! La firme ARM ltd., fondée comme un spin-off d’Acorn en 1990, les conçoit et en vend les spécifications afin qu’ils soient fabriqués par d’autres firmes comme Apple, Huawei ou Intel. ARM ltd. a récemment été acquise pour une valeur de quarante milliards de dollars américains… Quelle évolution pour notre petit BBC Computer !
[1] On se rappellera que le micro-processeur est, avec la mémoire vive (RAM), un des deux composants matériels essentiels de l’ordinateur : il a pour tâche d’exécuter, instruction par instruction, les programmes qui sont stockés (avec les données à manipuler) dans la mémoire vive.
[2] Né en 1953, professeur d’informatique à l’Université de Manchester
[3] Née en 1957, informaticienne (Université de Cambridge) qui a travaillé ou travaille encore pour plusieurs firmes, comme Acorn et Broadcom.
[4] Il ne faut pas oublier qu’à l’époque, les utilisateurs de micro-ordinateurs étaient encouragés à ouvrir et modifier leur machine pour expérimenter… Quel contraste avec notre temps, où même se procurer le bon tournevis pour ouvrir son ordinateur peut relever du parcours du combattant !
[5] Lancé en 1986, il pouvait accueillir un second microprocesseur Intel afin d’exécuter les programmes écrits pour l’IBM PC introduit quelques années plus tôt. La collection informatique en possède également un exemplaire.
[6] Un prédécesseur du disque compact qui pouvait stocker jusqu’à 300 Mégaoctets.
[7] On pourra regarder l’excellente vidéo qui présente ce projet sur la chaîne de Nostalgia Nerd : https://www.youtube.com/watch?v=FixpAY5YADc
[8] RISC signifie Reduced Instruction Set Computer et désigne une certaine façon de concevoir les microprocesseur, qui était neuve à l’époque.
Gilles Geeraerts
Responsable de la Collection informatique